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Lutte contre l'oubli Au nom des victimes du terrorisme, nous vous remercions, Monsieur Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, d'avoir accepté de présider cette cérémonie d'hommage. Mesdames, Messieurs, Chers amis, Nous voici une nouvelle fois réunis autour de ce mémorial « Parole portée à la mémoire des victimes du terrorisme », que S.O.S. Attentats a fait ériger en 1998. Cette cérémonie est par votre présence, Monsieur le Ministre de l'Intérieur, l'hommage que la Nation rend aux victimes du terrorisme. Il y a 14 ans, jour pour jour, 170 personnes originaires de 17 nationalités ont été tuées dans un avion de la compagnie UTA, attentat le plus meurtrier qu'ait connu la France. C'est cette date, que nous avons alors retenue comme symbolique, pour commémorer toutes les victimes. Le terrorisme a déjà fait dans le passé des milliers de victimes et il constitue une menace permanente. Depuis le 11 septembre 2001, 17 attentats anti-occidentaux ont tué au moins 430 personnes. Ces actes de terrorisme ont touché des Français hors de notre territoire, à Djerba, à Karachi, à Bali, à Djakarta, au Yémen, à Riyad, à Casablanca et en Israël. Le 19 août, à Bagdad, un attentat contre le siège de l'ONU provoquait la mort de 25 personnes dont celle du Haut Commissaire aux Droits de l'homme M. Sergio Vieira de Mello. S.O.S. Attentats regroupe près de 2000 victimes du terrorisme. Elle a, depuis 1985, beaucoup œuvré. Nous avons fait évoluer le droit de toutes les victimes grâce au vote de six lois. Un Fonds de garantie a été créé dès 1986 ; il a indemnisé à ce jour plus de 2 800 victimes d'attentats et des milliers de victimes d'infractions pénales. Depuis 1990, nous avons obtenu le statut de victime civile de guerre. Le terrorisme est depuis considéré comme une nouvelle forme de guerre. Nous avons aussi œuvré pour que les victimes ne tombent pas dans l'oubli ; ce mémorial en est un témoignage. Nous sommes partie civile dans tous les procès et les procédures en cours, de l'attentat du Drugstore Saint Germain à Paris en 1974, jusqu'aux derniers attentats de cette année. Nous avons participé en particulier au procès qui s'est tenu avec 212 victimes, en octobre 2002, devant la Cour d'assises de Paris qui a condamné deux des auteurs, des attentats commis à Paris en 1995 dans le RER Saint Michel, à la station de métro Maison Blanche et dans le RER musée d'Orsay. En novembre, nous devrons encore mobiliser les victimes puisque nous serons présents au procès en appel. Mais ce procès sera tronqué puisque depuis 9 ans les victimes de ces attentats attendent désespérément l'extradition de Rachid Ramda, refusée par la Grande-Bretagne sous différents prétextes. La décision revient désormais à M. David Blunkett, votre homologue britannique, M. le ministre. Soyez notre interprète auprès de lui pour que celui qui est soupçonné d'avoir financé les attentats de 1995, à Paris, puisse enfin être jugé en France. Nous sommes plus que jamais persuadés que la justice, lorsque la prévention a échoué, reste la seule réponse digne des Etats démocratiques. Hostiles à la peine de mort, nous voulons cependant que justice soit rendue, que tous les auteurs de crimes graves soient poursuivis et jugés, y compris les Chefs d'Etat en exercice. La raison d'Etat et la logique économique ne doivent plus être opposées aux victimes. Ainsi, aujourd'hui, 19 septembre, 14 ans après, sont réunies des familles de l'attentat du DC 10 d'UTA. Elles ont souffert et souffrent encore. Pour S.O.S. Attentats et la plupart des familles, la lutte contre le terrorisme passe par la fin de l'impunité. Dans le dossier de l'attentat de Lockerbie, seul un maillon a été condamné, sans que la justice écossaise puisse remonter la chaîne des responsabilités. Dans l'affaire du DC 10, la justice française a mis en exergue quasiment toutes les responsabilités. La Cour d'assises de Paris a prononcé six condamnations à la réclusion criminelle à perpétuité contre des citoyens libyens. Malheureusement sa décision n'est pas effective. C'est notre plus grand regret. Certains d'entre nous ont pensé que la Libye devait réparer. Des négociations ont lieu et nous espérons qu'elles aboutiront comme prévu dans un mois, soit avant le 10 octobre, comme la Libye s'y est engagée. Nous remercions le Gouvernement français et plus particulièrement le ministre des Affaires étrangères pour son soutien moral et matériel. Mais cet accord, si nous le souhaitons, ne saurait en aucun cas être interprété comme une renonciation de notre part à ce que la justice soit effective. Nous n'avons pas l'intention de brader la mémoire de nos morts. Tels sont nos combats, mais nous devons aller plus loin encore. En effet, au-delà de ces tragédies et face aux multiples menaces, nous sommes très préoccupés. Il faut maintenant œuvrer pour l'avenir, pour prévenir et pour guérir. La lutte contre le terrorisme présente beaucoup trop de lacunes et de retards. S.O.S. Attentats constate, malgré la volonté des Etats, le manque d'efficacité de la coopération policière et judiciaire au plan international. Face à la mondialisation du terrorisme, il faut harmoniser les réponses. En Europe, l'existence de frontières judiciaires s'oppose au bon fonctionnement de la justice, à la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité ; elle favorise l'impunité en créant des sanctuaires. Nous espérons que le mandat d'arrêt européen qui sera mis en place à partir de janvier 2004 sera effectif et appliqué dans tous les pays de l'Union européenne. Au plan international : la Cour pénale internationale enfin opérationnelle, doit être un instrument de lutte contre tous les crimes internationaux graves y compris le terrorisme qui doit absolument entrer dans la compétence de cette juridiction. S.O.S. Attentats participe à tous ces débats internationaux. Suite à la publication du Livre noir en février 2002, notre association publiera en novembre 2003, grâce à un co-financement de la Commission européenne dans le cadre du programme Grotius pénal, un nouvel ouvrage intitulé « terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale ». Ce livre sera publié en français par Calmann-Levy et en anglais. Des extraits en italien et en espagnol seront également mis en ligne sur notre site Internet. Cet ouvrage collectif qui réunit 38 contributions émanant d'experts, de juristes et d'universitaires, fait notamment le point sur les législations pénales de chaque Etat membre de l'Union européenne. Il s'interroge aussi sur les perspectives en vue de parvenir, un jour, à une harmonisation internationale de la réponse au terrorisme et au traitement des victimes. Il devrait enfin permettre de faire avancer la justice pénale internationale dans le plein respect des droits de l'homme. Sur la base de ces travaux, nous ferons des propositions à l'ONU puisque S.O.S. Attentats a obtenu la qualité d'Organisation Non Gouvernementale avec statut consultatif afin de faire entendre la voix de toutes les victimes au niveau international. Mais pour continuer à mener son combat contre le terrorisme, S.O.S. Attentats a besoin du soutien des entreprises françaises, privées et publiques. Les cotisations des victimes et les dons des particuliers ne suffisent plus à poursuivre notre mission de service public. Il nous sera difficile, sans aides conséquentes de continuer à défendre les intérêts des victimes du terrorisme. En France, les Pouvoirs publics sont les garants de la sécurité des citoyens, première des libertés. Nous attendons d'eux qu'ils comprennent mieux nos difficultés au quotidien en inscrivant, dans la durée, les subventions qu'ils nous accordent. En effet, nous ne pouvons anticiper sur les événements, il nous faut donc pouvoir nous appuyer sur une aide pérenne de l'Etat. Ainsi, S.O.S. Attentats pourra développer ses activités et ses objectifs pour continuer à assurer la défense de la société face à la menace terroriste. Pouvoirs publics et société civile doivent travailler ensemble M. le ministre de l'Intérieur, aidez-nous à poursuivre notre tâche.
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