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	  Lutte contre l'oubli  Cérémonie en hommage 
		aux victimes du terrorisme. Madame la ministre, S.O.S. Attentats vous remercie davoir accepté de présider cette cérémonie dhommage à toutes les victimes du terrorisme. Nous remercions également le Général Valentin, Gouverneur Militaire 
		de Paris,  Son Excellence M. Nissim Zvili, Ambassadeur dIsraël Merci aussi aux élus, de la magistrature, de la gendarmerie, de la police, des cultes et des associations. Merci infiniment à lAssociation des Victimes du Terrorisme en Espagne - lAVT davoir délégué parmi nous deux de ces représentantes. Enfin, merci à vous tous, venus aujourdhui exprimer votre solidarité et votre soutien aux victimes. Chers amis, Nous voici à nouveau réunis sous votre présidence, Madame la Ministre, autour de ce mémorial « Parole portée à la mémoire des victimes du terrorisme », que S.O.S. Attentats a fait ériger et qui a été inauguré par le Président de la République le 3 décembre 1998. Dès le mois davril, nous nous félicitions, Madame, de votre nomination au poste de Secrétaire dEtat aux Droits des Victimes confirmant ainsi lintérêt que porte le gouvernement aux victimes. La création du Secrétariat dEtat aux Droits des Victimes est une avancée essentielle pour toutes les victimes et répond à notre souhait davoir enfin un interlocuteur privilégié. Nous mettons beaucoup despoirs dans votre action et dans le dialogue que vous avez établi, notamment avec S.O.S. Attentats, dialogue confirmé par votre présence aujourdhui aux côtés des victimes du terrorisme. La menace terroriste est aujourdhui planétaire. 
		Les populations civiles sont les principales cibles de cette nouvelle 
		forme de guerre et, chaque jour, nous déplorons de nouveaux crimes, 
		de nouvelles victimes. Nous avons une pensée particulière 
		pour les victimes du massacre qui sest produit récemment 
		en Ossétie du nord et en particulier pour tous les enfants disparus 
		et orphelins.  Dès 1974, la France, a été frappée 
		par le terrorisme national et international, sur son sol comme à 
		létranger. Les années 80 ont été particulièrement 
		violentes, quil sagisse des attentats commis par Action directe, 
		le FNLC, par des mouvements agissant dans le cadre du conflit au Moyen-Orient, 
		dattentats attribués au groupe Carlos, dactes commandités 
		par lIran, de lattentat attribué à la Libye 
		contre un vol de la compagnie UTA reliant Brazzaville à Paris le 
		19 septembre 1989. Si les événements du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont marqué violemment les esprits dans le monde entier en raison du caractère très meurtrier des attaques, linternationalisation du terrorisme sest concrétisée, pour nous ce 19 septembre 1989 où 170 victimes de 17 nationalités différentes ont été tuées. 
 Face à ce fléau, S.O.S. Attentats a depuis presque 20 ans accompagné les victimes afin de les soutenir et obtenir une reconnaissance de leurs droits. La France sest ainsi dotée en 1986 dun mode dindemnisation original par un Fonds de garantie, financé par la solidarité nationale, dont le fonctionnement est déconnecté de la procédure pénale, puis en 1990 dun système particulier accordant aux victimes le statut de victime civile de guerre. En outre, les études médicales que nous avons initiées ont permis daméliorer la prise en charge psychologique des victimes. Chaque année, à loccasion de la commémoration que nous organisons, nous ne manquons pas de saluer ces avancées, mais notre propos aujourdhui portera sur lévocation du combat le plus difficile que nous menons, celui contre limpunité, pour la justice et la vérité. Le terrorisme représente une grave et sérieuse violation des droits fondamentaux de lhomme, des principes de libertés et de démocratie, face à laquelle les Etats doivent apporter des réponses légales afin de garantir un véritable espace de liberté, de sécurité et de justice. Si la France bénéficie dune législation anti-terroriste plutôt performante, si depuis plusieurs années le ministère de la Justice a fait évoluer le droit des victimes, si le Procureur de la République de Paris a, en 2003, engagé une réorganisation du parquet pour mieux combattre le terrorisme, il nen demeure pas moins que, du point de vue des victimes, il reste beaucoup à faire pour lutter contre limpunité. Lindemnisation des victimes ne doit pas les priver de laccès à la Justice, de la reconnaissance publique de la souffrance et de la confrontation avec les auteurs dans une enceinte judiciaire. Sans haine et sans esprit de vengeance, nous voulons simplement que tous les responsables de crimes de terrorisme soient poursuivis, jugés et quils purgent leur peine dans le plein respect des droits des victimes, de ceux de la défense et dans le cadre dun procès équitable. Justice doit être rendue. Le procès contradictoire reste la dernière étape de la réparation que la société peut offrir à une victime, une possibilité de cicatrisation et de réintégration dans le groupe humain ; il constitue un devoir de mémoire envers tous ceux qui sont décédés. Malheureusement les réponses judiciaires ne sont pas à la hauteur de nos attentes. La justice pénale doit être crédible. De nombreux obstacles juridiques et diplomatiques ne permettent pas de traduire les terroristes en justice ce qui suscite lincompréhension des victimes et de lopinion publique. Nous avions mis beaucoup despoirs dans la loi du 6 juillet 1990 accordant à lassociation le droit de se constituer partie civile dans toutes les procédures, ouvertes en France, relatives aux crimes de terrorisme mais aussi dans celles relatives aux délits dassociation de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Or ces espoirs ont été déçus. La plupart des auteurs échappent aux poursuites. La recherche de la vérité semble être un combat désespéré. Les obstacles auxquels nous nous heurtons sont trop nombreux. Les procédures judiciaires ouvertes à la suite dactes de terrorisme séternisent comme celle relative à lattentat du Drugstore Saint Germain, il y a 30 ans, celles concernant les attentats de la rue Marbeuf, de la gare Saint Charles, du Capitol, de Port-Royal et dautres encore, ce malgré le travail fourni par les magistrats de la section anti-terroriste. Les procès sont trop rares. Et quand ils ont lieu, soit les auteurs principaux ou les commanditaires ne sont pas inquiétés, soit les peines prononcées par contumace ne sont pas effectuées. Or, si la justice est lente à punir, si les sanctions ne sont pas appliquées, le droit cesse dêtre dissuasif. Et cest aussi la porte ouverte à des négociations et des solutions extra-judiciaires. Faute dune réparation judiciaire, certaines victimes se tournent parfois vers lobtention dune compensation financière, comme cest le cas pour certaines familles et victimes des attentats de Lockerbie, de la discothèque « la Belle » et du DC 10 dUTA. Dans ces trois cas, après de longues tractations, la Libye à travers la Fondation Kadhafi a finalement offert une indemnisation. Concernant particulièrement le DC 10 dUTA, 
		une Fondation sera bientôt créée par un décret 
		en Conseil dEtat. Il reviendra ensuite au conseil dadministration 
		de cet organisme, et à lui seul, de déterminer les règles 
		de répartition et dattribution de ces sommes en fonction 
		des liens de parenté. S.O.S. Attentats est membre fondateur de 
		ce futur établissement et sera membre du conseil dadministration. 
		Nous participerons donc à lélaboration de ces critères 
		et nous veillerons à ce que le mode dindemnisation retenu 
		soit le plus équitable possible. Concernant l'attentat de Karachi survenu le 8 mai 2002, la Direction des constructions navales de Cherbourg a été condamnée par le tribunal des affaires de la Sécurité sociale à verser des indemnisations complémentaires pour avoir sous-estimé les risques réellement encourus par ses salariés. Pourtant, cette décision, qui reconnaît la responsabilité de la DCN au plan civil, ne doit pas occulter le fait que les victimes souhaitent que les véritables responsables répondent de leurs actes devant la justice pénale. Par ailleurs, en dépit de nos actions, nous navons pas non plus réussi à éviter les grâces, les non-lieux, les amnisties, les classements sans suite, les immunités, les refus dextradition au sein même de lUnion européenne, les expulsions, les remises en liberté ou les procès tronqués. Labsence dune véritable coopération 
		judiciaire européenne conduit aussi à des dénis de 
		justice.  Malgré les directives et autres recommandations de lUnion européenne et du Conseil de lEurope, les disparités des lois pénales nationales demeurent. Les diversités des incriminations et des sanctions en Europe retardent toujours les enquêtes judiciaires. Les justices nationales ne peuvent pas continuer, isolément, de réprimer le terrorisme. La construction de l'espace pénal européen, évoqué depuis 1977, est trop lente. Il a fallu les attentats du 11 septembre pour que le projet du mandat darrêt européen aboutisse et les événements du 11 mars à Madrid pour que les procédures de transposition dans le droit des Etats membres s'accélèrent. Mais, dans la pratique, le mandat d'arrêt européen semble difficile à mettre en uvre comme le démontre léchec des demandes dextradition présentées par le juge espagnol Baltasar Garzon. Si lexistence dun réseau de coopération judiciaire, « Eurojust », est un progrès, il faut aller plus loin en créant un Parquet européen. Un procureur européen pourrait ainsi diriger les enquêtes transnationales, contrôler les actes de procédure et poursuivre les auteurs et les complices dactes de terrorisme. Labolition des frontières devrait permettre que les auteurs présumés dactes de terrorisme répondent de leurs crimes devant les juridictions du lieu où ils ont commis les attentats, face à leurs victimes. Ainsi, Rachid Ramda, soupçonné davoir financé les attentats de 1995, à Paris, doit être jugé en France, Cesare Battisti doit être jugé en Italie et Johannes Weinrich aurait dû être jugé en France au côté de Carlos. Au-delà de lEurope, linternationalisation du terrorisme nécessiterait une plus grande cohérence daction entre les Etats afin dédifier une véritable justice pénale internationale. Or, aujourdhui cette justice est inopérante. Le terrorisme, cest aussi les prises dotages. Quelle peut-être la réponse judiciaire à ces crimes qui ne cessent de se multiplier ? Les victimes du détournement dun Airbus français à Alger, en décembre 1994, ne comprennent pas pourquoi, presque 10 ans après les faits, la commission rogatoire internationale lancée par le juge dinstruction auprès des autorités algériennes est au point mort. Nous reconnaissons que les instructions judiciaires ouvertes 
		en France relatives aux actes de terrorisme tuant ou blessant des Français 
		à létranger témoignent de lintérêt 
		que porte la justice française à la poursuite des auteurs. 
		 Les procès qui se sont tenus au Pakistan et en Indonésie, en labsence de toute information à destination des victimes, ont provoqué un immense sentiment de frustration parmi les victimes de Karachi et de Bali. Cette problématique nécessiterait aussi une réflexion approfondie. La volonté de la communauté internationale de lutter contre le terrorisme ne doit pas se manifester seulement au lendemain dactions particulièrement violentes et massives. Face à limpunité, il est de la responsabilité des Etats de prendre des mesures fermes et concrètes dans le domaine du droit et de la justice. Dans lattente de telles mesures, nous souhaitons que la Cour pénale internationale qui exclue toute immunité, y compris pour les chefs dEtat ou de gouvernement, soit, au plus vite, compétente pour les actes de terrorisme, comme elle lest pour les crimes graves que sont le génocide, les crimes contre lhumanité et les crimes de guerre. Cette évolution du droit international est un défi que nous devons relever ensemble dans le plein respect de nos valeurs. La violence ne constitue pas une réponse appropriée au terrorisme. Que ce soit en Afghanistan, en Irak, en Tchétchénie ou en Ossétie, la lutte contre le terrorisme ne justifie en aucune façon le recours à la force. Pour faire entendre la voix des victimes, parce que la lutte contre le terrorisme nous concerne tous, S.O.S. Attentats a fait publier fin 2003, avec laide de la Commission européenne, un ouvrage intitulé « Terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale ». Ce livre aborde les perspectives de parvenir, un jour, à une harmonisation internationale de la réponse au terrorisme, au traitement des victimes et de faire avancer la justice pénale internationale dans le plein respect des droits de lhomme. Madame la ministre aidez-nous à faire progresser cette Justice, aidez-nous dans notre quête de la vérité : cest un droit quon ne saurait refuser aux victimes.  |